John Milios
Sur L'EchoLe programme de Syriza a pour priorité de résoudre la crise humanitaire traversée par de nombreux Grecs.A une semaine des élections législatives en Grèce, “L’Echo” a rencontré Giannis (John) Milios, professeur d’économie politique à l’université d’Athènes et responsable du programme économique du Syriza, le parti de gauche radicale favori dans les sondages.
Quelles seraient les premières mesures d’un gouvernement Syriza en Grèce?
Les premières mesures que nous prendrons seront pour faire face à la crise humanitaire à laquelle est confronté le pays: nous assurerons de la nourriture pour tous ceux qui n’arrivent plus à se nourrir correctement, des aides au logement pour ceux qui n’en ont plus et pour ceux qui risquent de ne plus en avoir, et l’électricité gratuite pour tous ceux qui n’arrivent plus à la payer.
En tout, ces mesures concernent à peu près 300.000 foyers et près de 10% de la population.
La deuxième série de mesures que nous allons prendre dès notre arrivée au pouvoir, concerne le nécessaire redémarrage de l’économie. L’axe d’action principal, ici, c’est la dette privée envers les banques et le fisc (les contribuables grecs doivent plus de 70 milliards d’euros d’arriérés d’impôts au fisc, ndlr).
Nous devons lier le remboursement de ces dettes au revenu mensuel des individus pour que personne n’ait à payer plus de 30% de son revenu mensuel réel. Et geler le reste pour quelques années.
Vous avez aussi promis de ramener le salaire minimum, ainsi que les petites retraites à leur niveau de 2009…
Absolument. Il faut ramener le salaire minimum dans le privé à 750 euros bruts, rétablir le 13e mois pour les retraites inférieures à 700 euros bruts. Et réinstaurer les conventions collectives et les autres droits perdus par les travailleurs à cause des mesures mises en place depuis 5 ans.
Quel est le coût du programme social que vous nous décrivez?
En incluant aussi une série d’autres mesures (transports publics gratuits pour les plus démunis, baisse de la taxe sur le fioul de chauffage, création d’une banque de développement, etc.), on arrive à un coût total calculé à 11,5 milliards d’euros. Le coût pour le volet d’aide humanitaire est de 2,5 milliards, qui sont inclus bien évidemment dans le coût total.
La Grèce a-t-elle les moyens de financer ce programme?
Absolument. C’est une question de priorités, de redistribution des moyens existants. Par ailleurs, en légiférant sur les remboursements des prêts bancaires et sur les remboursements des arriérés d’impôts on récupérera une partie des arriérés dus à l’État.
On ne demande aucun prêt supplémentaire pour mettre en place notre programme. Par conséquent, nous n’avons pas à le négocier avec nos partenaires européens. Notre arrivée au pouvoir marquera le choix souverain du peuple d’appliquer notre programme. Et nous le ferons.
Au-delà de ça, évidemment, il y a la question de la dette et de son remboursement. La dette grecque, aujourd’hui, représente 175% du PIB du pays et elle n’est donc pas viable. N’oublions pas que depuis cinq ans l’austérité mise en place a fait que le PIB du pays a reculé de près de 30%, tandis que la Grèce doit non seulement rembourser les intérêts de la dette mais aussi une partie du capital.
En l’état actuel, pour pouvoir réellement rembourser la dette, il faut qu’à partir de 2016 le pays dégage des excédents budgétaires primaires supérieurs à 4,5% du PIB, qui iraient dans leur totalité au service de la dette sans que rien ne soit mis au service de la société ou de l’économie grecque!
Que faire alors avec la dette grecque?
La crise de la dette n’est pas un phénomène grec. L’Italie a une dette supérieure à 2.000 milliards d’euros. L’Espagne et la France elles aussi ont des problèmes avec leur dette. Il faut régler le problème pour tous les pays européens.
Comment un gouvernement Syriza va-t-il s’y prendre pour convaincre au sujet de la dette?
Toute dette non-viable qui étrangle l’économie d’un pays doit être restructurée. D’ailleurs, c’est aussi la volonté du FMI. Et le précédent existe. En 1953, lors de la conférence internationale de Londres, la majeure partie de la dette allemande a été effacée et le remboursement de la dette restante a été conditionné par rapport au taux de croissance. C’est là l’origine du fameux miracle économique allemand.
La Grèce fut un des nombreux pays qui donna son accord à cet effacement. Nous demandons la même chose. Il faut un sommet européen sur la question pour tous les pays concernés. Tout cela peut se faire sans que les contribuables européens aient à payer l’addition. Nous avons publié des études qui le prouvent.
Que se passera-t-il si les partenaires de la Grèce vous refusent cette solution?
Tant qu’ils refuseront, les négociations ne seront pas terminées. Toute négociation commence par le refus des positions de l’autre.
Mais les négociations continueront jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé. Parce que toute la zone euro est en stagnation et les politiques d’austérité menées n’ont eu de succès nulle part. Si des menaces fusent des deux côtés, c’est aussi dans la logique des choses. La guerre n’est dans l’intérêt de personne, et, c’est pourquoi elle n’aura lieu.
Dans une semaine, les élections législatives auront lieu en Grèce.
Dans les sondages, le parti de gauche radicale Syriza, dirigé par Alexis Tsipras, est le favori. Pourfendeur des politiques d’austérité et souhaitant instaurer un vaste programme social, il suscite la méfiance des partenaires européens d’Athènes, inquiets de voir le pays renoncer aux réformes et à la politique de rigueur imposée en échange d’un soutien financier international.
Certains brandissent même le spectre d’un “Grexit”, la sortie de la Grèce de la zone euro. Mais ni Tsipras ni les Européens ne souhaitent un tel scénario.
L’Echo a rencontré Giannis Milios, responsable de la politique économique de Syriza.